Une seule santé" : il est temps de passer du concept aux actes !

Quelle réalité est attachée à ce terme plus que jamais énigmatique ? août 2020

Publié le


Collectivement et solidairement, nous vivons toutes et tous une crise sanitaire planétaire d'une rare ampleur. En dehors des héros qu'elle révèle - les soignants au plus près des malades dans les hôpitaux et les maisons de retraite, les personnes qui couvrent quotidiennement nos besoins vitaux essentiels - elle pose in fine une multitude de questions.

La crise sanitaire touche, certes, essentiellement l'Homme mais nous aurions tord d'ignorer l'origine animale du coronavirus ainsi que les ressorts qui ont conduit au passage de la barrière d'espèce. Vous avez dit " une seule santé " ? Effectivement, mais alors derrière ce concept, ce slogan, cet étendard brandi une fois le pic de l'épidémie passé, quelle réalité est attachée à ce mot plus que jamais énigmatique ?

Après la séparation des biologies médicale et vétérinaire, après avoir été accusés, stigmatisés et mis en demeure quand la question de l'antibiorésistance s'est imposée à la santé humaine, après le SARS-COV-2, " une seule santé " évoque plutôt la condescendance des personnes en charge des politiques publiques de santé à l'égard des vétérinaires qui finalement ne sont, tout au plus, bon qu'à se démunir en appoint de leurs matériels, de leurs moyens de protection à usage unique ou des tests. Côté compétences mises spontanément à la disposition du pays, les vétérinaires ont essuyé tout simplement une fin de non-recevoir !

La frustration est grande face à ce mépris récurent. Elle fait écho à cette phrase proclamée par une ancienne ministre de la santé : " Chacun son métier et les vaches seront bien gardées ". Le concept " une seule santé ", mais chacun chez soi et chacun pour soi, a la peau dure même s'il vient à nouveau de montrer ses limites. Il est temps qu'enfin un acte politique fort au plus haut niveau de l'Etat soit posé pour changer de paradigme.

Le corps professionnel des vétérinaires dans toutes ses composantes dispose d'indéniables compétences en matière de gestion des crises sanitaires animales à l'échelle du territoire national, d'une population animale et des risques de contagion inter-espèces. Détecter, mobiliser un réseau de vétérinaires sanitaires sentinelles, diagnostiquer, dépister, isoler, protéger et prévenir sont autant de compétences dont les vétérinaires ont l'expérience pour avoir été en situation de les exercer en situation réelle de crise sanitaire.

L'Etat ne pourra pas faire l'impasse sur deux questions, de mon point de vue, majeures. Tout d'abord, face à la question animale, les politiques publiques privilégient une approche distinguant la faune domestique de la faune sauvage. Cette segmentation se traduit par un portage par deux ministères dont la culture et l'approche sont sensiblement différentes parfois même opposées en matière sanitaire et de santé publique versus biodiversité et protection des écosystèmes. Virus et bactéries n'ont que faire de cette segmentation artificielle. Poser les bases d'une gestion globale intégrant la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale serait un acte politiquement fort, seul susceptible d'insuffler une nouvelle dynamique à l'approche " Une seule santé ".

La seconde question relève de la hiérarchie des priorités entre économie et sanitaire. Bien entendu l'un ne va pas sans l'autre. C'est une évidence, mais l'un ne doit pas nier l'autre. L'équilibre est fragile. Tout excès dans un sens expose un pays, une planète à un tsunami sanitaire en réplique. Gageons que les Etats sauront en tirer les conclusions qui s'imposent. La France aura peut-être l'audace de reconsidérer l'apport du corps professionnel vétérinaire aux côtés des autres professions en situation de gestion ou de prévention des crises impactant la santé humaine, la santé animale ou la santé environnementale.