Indépendance et secret professionnel : défendons nos valeurs

Il faut préserver la confiance, socle intangible de la relation entre le détenteur de l'animal et le vétérinaire auquel il confie les soins - novembre 2020

Publié le


Nous vivons une période de grande anxiété due à l'insécurité que la crise sanitaire induit, à la déstabilisation du vivre ensemble que l'assassinat odieux d'un professeur incarne, au militantisme permanent pour des motifs communautaires, alimentaires, technologiques... Tout est objet de contestations qui, pour se vouloir efficaces, sont radicales. La désinformation devient une arme pour convaincre, la marque d'un militantisme sans concession amplifié par les réseaux sociaux qui, sous couvert de l'anonymat, engendre le pire.

Pauvre démocratie qui n'en finit pas de se fracturer en une foultitude d'intérêts particuliers, partisans, manichéens. La réponse attendue est simpliste. Elle ne peut être que binaire. Elle ne peut qu'être destructrice de notre savoir être.

La profession vétérinaire, au même titre que les autres corps professionnels, n'est pas épargnée par cette logique déstructurante. La somme d'intérêts particuliers semble vouloir prendre le pas sur une vision collective et partagée de notre métier, sur l'intérêt général qui justifie que la médecine et la chirurgie des animaux soient réservées aux docteurs vétérinaires en tant qu'ils exercent une profession règlementée.

La Covid-19, les projets de loi relatifs à la protection animale, l'angoisse de la transmission de l'outil professionnel, la difficulté à recruter des vétérinaires renvoient chaque vétérinaire à des décisions tranchées, à l'expression de convictions que chacun considère comme le seul et unique choix possible, à des croyances, parfois à un glissement du militantisme vers l'activisme.

Ainsi, deux valeurs emblématiques, communes à l'ensemble des professions réglementées, sont dans ce contexte percutées et fragilisées : l'indépendance professionnelle et le secret professionnel.

Ces deux valeurs ne sont pas immuables et elles se doivent d'évoluer avec leur temps. Pour autant la prudence s'impose lorsqu'il s'agit de le faire. Il convient avant tout de préserver la confiance, ce socle intangible de la relation entre le détenteur de l'animal et le vétérinaire auquel il confie les soins. Agir en lanceur d'alerte, remonter des informations utiles à la santé publique, à la santé animale, à la prévention des zoonoses ou encore à la protection animale est un devoir incontournable des vétérinaires lorsqu'il vise l'intérêt collectif, la défense d'un bien commun précieux. Pour autant, ce devoir ne peut s'envisager au prix de la destruction du lien de confiance, de la délation ou au prix de devenir les auxiliaires d'activistes de tout bord.

Face à ces enjeux, les professionnels vétérinaires doivent être protégés des agressions physiques, c'est une évidence, mais aussi juridiquement. L'indépendance professionnelle et le secret professionnel sont à ce titre deux notions juridiques protectrices, indissociables de la notion même de profession réglementée organisée en un Ordre professionnel. Elles doivent demeurer des outils positifs de régulation du vivre ensemble. Dans une démocratie, il est des valeurs essentielles et cardinales qu'il faut savoir défendre !

Conscient des enjeux, le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires engage dès à présent un travail de réflexion sur l'indépendance professionnelle et le secret professionnel avec l'ensemble des Conseils régionaux de l'Ordre dont les attendus seront débattus lors du Congrès ordinal de Saint Malo en 2021. Il est temps de se pencher de nouveaux sur nos valeurs fondatrices. Il est temps de leur donner sens avec modernité.

L'indépendance n'est pas un état de choses. C'est un devoir " - Václav Havel