La seule santé de l'Homme?

Edito publié dans la revue e l'Ordre des vétérinaires n°80 - février 2022

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Il est toujours bluffant de constater, à l’occasion de deux colloques organisés dernièrement autour de la santé humaine, que l’approche « une seule santé » (« One Health »), l’approche « santé publique » se résume à revendiquer de s’écarter légèrement des problématiques des soins et des soignants pour n’envisager la « santé globale » que sous l’angle de la prévention des pathologies chroniques telles que l’obésité ou la santé mentale. D’ailleurs l’obésité renvoie naturellement à la qualité de l’alimentation qui est interrogée par les « nutriscores » tout en ignorant les questions de la santé des plantes, de la qualité de l’eau, bref de la santé des socio-écosystèmes.

La présence d’un vétérinaire dans une telle enceinte pour évoquer le concept One Health est sinon une attraction, pour le moins exotique, mais finalement toujours appréciée a postériori comme d’intérêt dès lors que l’intervention met en exergue que la santé de l’Homme dépend aussi de la santé des animaux qu’il côtoie ou qu’il consomme mais aussi de la santé des plantes et de l’environnement dans lequel il évolue. C’est certainement toujours une occasion de rappeler l’intérêt d’observer la relation homme-animal, l’intérêt d’une épidémiosurveillance active des populations animales en tant que tout signe précurseur d’une maladie animale potentiellement zoonotique est utile à porter à la connaissance des autorités sanitaires pour protéger la santé de l’Homme au sens de la santé collective.

Force est de constater que chaque profession décrypte le concept une « seule santé » à l’aune de son pas de porte, de ses préoccupations du moment. Les vétérinaires ont beau partager la compétence de soigner, certes les animaux, ils restent largement isolés et ignorés des professions regroupées au sein du ministère des soins et je le crois encore pour longtemps.

Au demeurant, il n’est pas le seul ministère à ne pas savoir que faire de la profession vétérinaire. La Direction générale des entreprises, sous autorité du ministère des finances, reconnaît bien volontiers la valence santé et les raisons impérieuses d’intérêt général que la profession vétérinaire partage avec les professions de santé humaine mais pour autant les vétérinaires, parmi les seize professions libérales réglementées organisées en un ordre professionnel, ne sont pas admis dans la famille des professions de santé. A l’évidence, ils ne sont pas non plus des professionnels du droit ou du chiffre. Alors, en désespoir de cause, ils constituent avec les architectes et les géomètres experts les professionnels du cadre de vie avec lesquels ils n’ont que très peu de points communs autrement que d’être inclassables : le mariage de la carpe et du lapin… Evoquer l’interprofessionnalité entre professions du cadre de vie ne peut que faire sourire !

Alors, quitte à être inclassable, cultivons ce qui fait notre force, notre singularité, notre capacité d’adaptation et d’organisation et admettons une bonne fois pour toute que notre place se situe au ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Merci Monsieur le Ministre d’accueillir et de prendre soin des vétérinaires. Je persiste à penser que les animaux, leurs détenteurs, l’Etat, plus généralement la société civile, ont besoin du corps professionnel des vétérinaires et de ses compétences de soignant, d’acteur de la santé publique et de la sécurité sanitaire des aliments, de leurs expertises au carrefour de toutes les santés et dans tous les territoires.