Exercice pro Fiche véto

Accueillir un animal sauvage en établissement de soins vétérinaires ?

L'équipe vétérinaire peut être sollicitée pour accueillir un animal sauvage blessé ou en péril. Comment réagir conformément à la loi et en apportant une réponse satisfaisante à un sujet sociétalement sensible ?

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Un pigeon boiteux, un marcassin orphelin, un jeune hibou immature, un serpent, un hérisson, … autant d’animaux sauvages pour lesquels l’équipe vétérinaire peut être sollicitée, car elle est un interlocuteur naturel des particuliers découvreurs. Comment réagir conformément à la loi et en apportant une réponse satisfaisante à un sujet sociétalement sensible ?

L’instruction PN/S2 N° 933 du 14 mai 1993 précise qu’en cas d’urgence et en l’absence de meilleure solution, le transport sans formalité est admis vers une structure apte à la prise en charge de l’animal, bien que la capture et la détention, même transitoire, d’un animal sauvage par des particuliers soient interdites.

La circulaire du 12 juillet 2004 relative au suivi des activités des Centres de sauvegarde pour animaux (DEVN0430281C) précise notamment la situation des « cabinets vétérinaires » (II–e) en ce qui concerne les modalités d’accueil des animaux sauvages blessés amenés par des particuliers.

Le Code de déontologie vétérinaire (article R. 242-48 V) dispose que lorsqu’un vétérinaire se trouve « en présence d’un animal blessé ou malade, qui est en péril, d’une espèce pour laquelle il possède la compétence, la technicité et l’équipement adapté, il s’efforce, dans la limite de ses possibilités, d'atténuer les souffrances de l’animal ». Le vétérinaire est donc parfaitement légitime et autorisé à évaluer et à assurer les premiers soins sur un animal sauvage.


Prendre en charge le découvreur

Dès le premier contact, il convient de noter précisément ses coordonnées, et le lieu exact de la découverte. C’est important en cas de zoonose potentielle, mais également si l’on envisage de relâcher l’animal sur site. Un document type « Déclaration de dépôt d’un animal sauvage en péril » est mis à disposition sur le site Internet de l’Ordre.

Quelques éléments de langage peuvent aider à prendre en charge le découvreur et à gérer ses émotions après l’avoir remercié de s’être occupé de l’animal et en précisant que la loi interdit de l’adopter :

  • « Nous allons désormais en prendre soin et évaluer son état. Selon ce dernier, il pourra être redirigé vers un Centre de soin de la faune sauvage (CSFS) dans le but de le relâcher. Auquel cas, nous comptons sur votre collaboration s’il faut l’y conduire » ;

  • « Nous vous tiendrons informés du devenir de l’animal ».

  • « Nous devons malheureusement l'euthanasier car ses souffrances sont inaceptables et son état désespéré ».

Lorsqu’un jeune déplacé par erreur, ou bien si un animal ne présentant pas de lésion importante est présenté au vétérinaire, une remise sur site par le découvreur devra être privilégiée.

Un bon contact avec le découvreur, en le faisant rentrer dans un « parcours de prise en charge » sera alors préférable à sa « culpabilisation » par l’équipe soignante. Cela permettra de le solliciter plus facilement pour le transport vers le centre de soins.


Catégories d’animaux sauvages

Une fois l’animal récupéré, il convient d’identifier à quelle catégorie il appartient. En effet, les modalités de prise en charge et de réintroduction dépendent de son statut : espèce exotique envahissante (EEE), espèce susceptible d’occasionner des dégâts (ESOD), espèce protégée, etc.

L’arrêté du 14 février 2018 dispose qu’il est formellement interdit de « transporter, colporter ou utiliser  » les ESOD.

Il en existe 3 groupes :

  • Les animaux du groupe 1 ou EEE : une espèce exotique envahissante est une espèce introduite par l’homme sur un territoire hors de son aire de répartition naturelle et qui menace les écosystèmes, les habitats naturels ou les espèces locales car elle accapare une part trop importante des ressources (espace, ressources alimentaires, habitat, …) dont les autres espèces ont besoin pour survivre. Des arrêtés viennent préciser les listes d’espèces règlementées. Exemples : ratons-laveurs, ragondins, oies bernaches du Canada, ....

    Dans le cadre de la loi du 30 novembre 2021 sur la maltraitance animale, les espèces autorisées à la détention en tant qu’animaux de compagnie, dont les EEE réglementées et soumises à des restrictions fortes en termes de détention, seront bien évidemment exclues des mesures applicables. Exemple : la tortue de Floride.

    La loi interdit de soigner ou de relâcher ces animaux dans la nature. Le propriétaire du terrain où ces animaux ont été trouvés est responsable de leur destruction. Pour cela, il peut faire appel à un lieutenant de Louveterie via l’Office français de la biodiversité (OFB).

  • Les animaux des groupes 2 et 3 : il est possible de leur apporter des soins, puis de les relâcher sur le site où ils ont été trouvés : renards, mustélidés, corvidés, sangliers, pigeons ramier, lapins de garenne, ...

    Les animaux protégés font l’objet de mesures de conservation spécifiques : seuls les centres de soins autorisés peuvent les prendre en charge après dépôt en établissement de soins vétérinaires. Exemples : hérisson, écureuil roux, castor, loutres, salamandre noire, vipère aspic, ...

    Pour les oiseaux, les centres ornithologiques sont souvent très coopératifs. Le site internet de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) permet la diagnose de nombreux oiseaux, ainsi que de quelques mammifères marins et terrestres. Un seul numéro de téléphone : 05 46 82 12 34.

    Pour les animaux sauvages locaux, particulièrement les mammifères, l’OFB est également qualifié pour en faire la diagnose si nécessaire.

    Pour les animaux exotiques, il est possible s’adresser à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).


Prises en charge possibles

Après avoir isolé l’animal et pris les mesures de contention adéquate, il faut évaluer le risque de zoonose potentiel et envisager les premiers soins possibles. Il en découle une décision de contact puis de transport vers un centre de soins adapté, ou une euthanasie. Le découvreur n’est pas présent.

Le site reseau-soins-faune-sauvage.com propose une carte géolocalisant les centres de soins.

Si l’animal doit être transporté vers un centre de soins de la faune sauvage, le formulaire de déclaration de dépôt est remis en double au découvreur, et transmis à la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) et éventuellement à l’OFB pour sécuriser le transport vers un centre de soins. Le transport de l'animal peut alors être effectué par le découvreur ou les réseaux de bénévoles des CSFS.

Pour ce qui est de la prise en charge d’un cadavre (hors espèce protégée, auquel cas la prise en charge se fait via l'OFB), l’article R. 226-11 du CRPM précise que la mairie du lieu de découverte du cadavre, ou de l’animal euthanasié, doit prendre en charge le cadavre. Dans les faits, un simple congélateur peut être mis à disposition par la commune. Une prise en charge peut être assurée gratuitement par l'équarrissage dès 40 kg lorsque c’est la commune qui en fait la demande. Les employés communaux dédiés à cette tâche doivent être sensibilisés aux risques d’exposition aux zoonoses. Dans le cas d’une collision automobile accidentelle à l’origine du décès d’un animal sauvage, la prise en charge est assurée également par la mairie (articles L. 226-5 et L. 226-6 du CRPM). Si l’animal est blessé, le maire peut le faire abattre (article L. 2212-2 5° du Code général des collectivités territoriales).

Enfin, le réseau SAGIR peut être un interlocuteur des vétérinaires via son coordinateur si un animal sauvage est découvert mort à la suite d’une maladie ou d’un empoisonnement. Le cadavre peut être acheminé vers un laboratoire spécialisé pour analyse.


Glossaire

Animal res nullius : les animaux sauvages sont définis dans le droit français comme faisant partie des « espèces non domestiques ». Ils constituent au sens du Code civil des res nullius, c’est-à-dire « sans maître ». Ils ne peuvent pas être adoptés.

Lieutenant de Louveterie : il est préposé, sous le contrôle du préfet, à la régulation des animaux nuisibles ou ceux dont la destruction apparaît comme nécessaire dans l'intérêt public.

Réseau SAGIR : réseau de surveillance des maladies infectieuses des oiseaux et des mammifères sauvages terrestres.

Liste des mammifères protégés en France, par arrêté ministériel du 23 avril 2007.

Liste des espèces protégées en France et sur tout le territoire Français y compris DOM TOM et POM.