Une certaine idée de la profession à défendre

2021 ne sera riche que des seuls dossiers qui seront finalisés et opérationnels - janvier 2021

Publié le


La pandémie COVID-19 est la marque indélébile de 2020. Pour ce qui est de la profession vétérinaire en 2020, je retiens sa générosité, sa capacité à faire face à l'adversité en mobilisant ses valeurs intrinsèques de résilience, d'adaptabilité en toutes circonstances.

Malgré une forme de mépris des responsables de santé humaine, de condescendance des médecins hospitaliers, les vétérinaires ont contribué à sauver des vies en mettant à disposition du matériel, des respirateurs, leur stock de propofol ou, non sans mal, leurs plateformes de biologie vétérinaire. Il demeure cette amertume qui consiste à penser que mobiliser les vétérinaires sonne comme un aveu d'échec du système de santé français, reconnu comme l'un des meilleurs au monde, mais qui ne peut se résoudre à avoir été impuissant.

Convenons qu'opposer les deux médecines n'a aucun sens alors que l'étude de la capacité des socio-écosystèmes à prévenir l'émergence des pathogènes paraît une approche prometteuse, source d'intelligence collective associant toutes les sciences sans omettre les sciences humaines. Si l'objectif One Health s'affine, la réalité des vétérinaires est tout autre. Ils gardent durement en mémoire l'attitude de la santé humaine à leur égard sur les dossiers de la biologie vétérinaire ou de l'usage des antimicrobiens. Sacraliser la santé de l'individu en la plaçant au centre de tout est, à terme, voué à l'échec. Culpabiliser les vétérinaires est une stratégie court-termiste qui ne masque plus l'incapacité de la santé humaine à réformer ses propres usages. Le plan Ecoantibio 3 n'aura de sens que s'il se construit autour des principes prônés par l'approche One Health.

Les mesures législatives visant à aider à l'installation et au maintien des vétérinaires pour lutter contre les déserts vétérinaires sont un beau succès de 2020 dès lors que les textes règlementaires d'application seront publiés rapidement. Une analyse commune, par bassin de vie, des modalités d'une présence vétérinaire sur le long terme, est indispensable. 2021 sera une année charnière pour éviter le glissement de l'intérêt des vétérinaires pour l'exercice auprès des animaux de compagnie. En cela, la crise influenza aviaire dans le Sud-Ouest raisonne comme un nième rappel de l'urgence. Etat, collectivités territoriales, éleveurs et vétérinaires doivent être conscients que sans changement de paradigme en 2021, la profession vétérinaire s'affranchira des soins aux animaux de rente. Elle le regrettera. Elle n'en sera pas malheureuse. Elle en sera plus prospère. Elle se sera adaptée au temps présent.

Paradoxalement, l'offre de soins dédiée aux animaux de compagnie est en effervescence sous l'impulsion d'investissements financiers. L'Ordre des vétérinaires n'a pas d'opinion sur la question. Il n'en fait pas une affaire de principe, ni un jugement de valeur. La liberté d'entreprendre et d'installation est garantie dès lors que chacune des sociétés d'exercice vétérinaire respecte les lois et règlements, sans considérer qu'il est superflu de se conformer au Code rural et de la pêche maritime ou qu'il est permis d'en contourner les dispositions.

L'indépendance professionnelle est l'une de ces valeurs cardinales que l'Ordre des vétérinaires se doit de garantir pour protéger le vétérinaire de décisions qui seraient prises dans un autre intérêt que celui de l'animal, de son détenteur ou de la santé publique. Les sociétés de biologie médicale sont un matériel d'étude pertinent en considérant les choix faits depuis dix ans, choix que les vétérinaires sont en situation d'arbitrer aujourd'hui, et en considération des questions d'indépendance que la COVID-19 a révélé. Saisissons cette opportunité pour analyser et comprendre ce que l'indépendance d'une société d'exercice vétérinaire signifie in concreto. Aussi l'Ordre des vétérinaires axera sa réflexion centrale en 2021 sur cette question d'importance pour consolider et affiner son approche déontologique.

Dans un monde hyperconnecté où chacun se rêve en lanceur d'alerte, le plus souvent sous couvert de l'anonymat des réseaux sociaux, la proposition de loi " maltraitance animale " ouvre le débat du secret professionnel, autre valeur vétérinaire cardinale. Lever le secret professionnel alors qu'il n'est pas juridiquement défini en matière vétérinaire, qu'il devient une source de contentieux voire d'agressions violentes des vétérinaires dans le cadre de leurs établissements de soins ou de harcèlement est une décision sensible. J'enjoins les parlementaires à la prudence, à la cohérence des dispositions qui ne pourront méconnaître la nécessité de protéger les praticiens en situation de lever leur secret professionnel. Il en va de la confiance qui demeure la condition première de la relation de soins entre un vétérinaire et le détenteur d'un animal.

Vétérinaires Pour Tous

Vétérinaires Pour Tous a pour ambition de proposer une solution de médecine vétérinaire solidaire unifiée, rationnelle et accessible sous condition de ressources sur l'ensemble du territoire national. Bien entendu, la solidarité a toujours été présente dans les établissements de soins vétérinaires, chacun faisant avec les moyens du bord pour répondre au mieux aux demandes. Il s'agit d'aider tout en responsabilisant les personnes en situation de précarité quant à leur devoir envers les animaux et contribuer ainsi aux côtés des services sociaux et des associations de protection animale à préserver le lien Homme-animal parfois dernier rempart à la désocialisation. L'AFVAC, le SNVEL et l'Ordre s'engagent dans un projet solidaire dont l'objectif 2021 est la création de 13 associations régionales d'intérêt général en charge de coordonner 45 délégations départementales ainsi que d'une fédération nationale tête de réseau.

Formation

Malgré l'augmentation des capacités de formation dans les écoles nationales vétérinaires françaises, sur les 1 113 vétérinaires primo-inscrits en 2020, 52,5% sont formés hors de France. Dès lors, la souveraineté de la France à former ses vétérinaires selon son propre modèle est questionnée. Force est de constater que tous les secteurs d'activités vétérinaires sont en tension, y compris le secteur public en prise avec les conséquences du Brexit. Si l'ouverture d'une cinquième école est posée, elle ne peut l'être pour de mauvais arguments. Créer une école supplémentaire sans traiter les dossiers de l'accès aux données d'élevage, de la délégation d'actes vétérinaires, du modèle économique des sociétés d'exercice vétérinaires, du maintien du réseau de vétérinaires sanitaires, revient à prendre un pari risqué sur l'avenir. Si tant est que cette école se justifie, elle devra impérativement respecter l'ensemble des standards français et européens qui s'imposent aux écoles nationales.

Maintien des vétérinaires en zones rurales

Je ne peux que regretter l'échec de la feuille de route pour le maintien des vétérinaires en zones rurales. Eleveurs, vétérinaires et Etat partagent le constat, mais sans doute pas le point d'atterrissage, ni les étapes pour y arriver. En l'espèce, la demande des éleveurs aux vétérinaires n'est pas clairement définie, ni exprimée. Elle ne peut être uniquement la prise en charge des situations d'urgence, la gestion des catastrophes ou les interventions en situation de crise sanitaire. Ma volonté n'est pas de dramatiser. Ma conviction est que 2021 sera une année de rupture susceptible de changer la physionomie de l'exercice vétérinaire pour les 30 ans à venir. Une réunion au plus haut niveau du Ministère de l'agriculture est impérative. Il s'agit ni plus ni moins que de valider que les parties prenantes partagent encore un intérêt à travailler ensemble. Le cas échéant, il conviendra d'identifier trois à quatre dossiers pour lesquels un engagement ferme de réussir peut-être pris en 2021. Si cette étape n'est pas possible, la DGAL pourra multiplier les réunions, le CGAAER les rapports, cette énergie dépensée ne produira rien d'opérationnel. Dès lors, chacun sera en situation d'en tirer les conséquences qui s'imposent.

Réglementation professionnelle

En matière vétérinaire, rien n'est jamais simple et tout prend énormément de temps. Le Code rural et de la pêche maritime est devenu pour les vétérinaires un maquis impénétrable, incompréhensible dans lequel certaines dispositions peuvent se contredire. Il s'agit d'un enjeu de crédibilité et de sécurisation du champ d'action des vétérinaires à titre libéral ou au titre de leur exercice à la demande ou pour le compte de l'Etat que de s'attaquer à la rédaction d'un chapitre cohérent consacré à la profession vétérinaire. 2021 ne sera riche que des seuls dossiers qui seront finalisés et opérationnels.